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Pierre Touron est un artiste plasticien bordelais touche à tout. « Beaucoup de techniques m’intéressent, je suis très curieux, dans une recherche permanente, cela me pousse à essayer des tas de choses (dessin, peinture -acrylique ou gouache-, collage, pop up…). Comme j’évolue sans cesse, mon travail prend des orientations différentes et réciproquement, celui-ci me fait évoluer. Un dialogue ininterrompu s’établit entre ma vie et mon œuvre ».

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Au début de sa vie d’artiste, Pierre Touron a travaillé sur des dessins d’observation très précis avant de se tourner vers une production plus abstraite : « Je me suis demandé : «Est-ce vraiment moderne ? Est-ce que ça a du sens aujourd’hui ? » J’ai eu besoin de me défaire de la technique, je me suis interdit de produire dans ce style ». Aujourd’hui, l’artiste, « enrichi de tout ce qu'[il] a fait entre temps », est revenu à des dessins « soignés » aux traits d’une extrême délicatesse : «  Je privilégie des petits formats sur lesquels je dessine au crayon à papier avec une mine graphite, de manière très fine. J’aime réaliser des travaux de longue haleine, quitter ma production le soir et la retrouver le lendemain. Je prépare mon carton à la gouache blanche (parfois à la gouache bleue pour apporter des touches de couleur), à l’aquarelle ou au thé pour lui donner des effets de textures. J’utilise également comme support des papiers anciens, recyclés, jaunis ou tachés d’humidité. »

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Les maisons implantées dans les paysages de l’artiste sont souvent aux antipodes de l’image chaleureuse, protectrice que l’on associe d’habitude à ce type de construction. Comme de mauvaises herbes, ces bâtiments intrusifs poussent dans la nature sans s’harmoniser avec elle.  Pierre Touron représente des habitats in-fonctionnels, abîmés par le temps, se trouvant « entre l’état de ruine et celui de chose inachevée» . Des lieux de vie désertés, laissés à l’abandon, victimes d’un drame passé dont on ne connaît ni la nature, ni la cause.

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Les bâtiments se multiplient dans la nature, identiques, impersonnels, et s’alignent avec une régularité oppressante. « Les lotissements sont pour moi un non-sens. Ces bâtiments moulés à la louche font peur. On rase la végétation, on pose les compteurs et ensuite les maisons. Les escaliers et les fenêtres arrivent emballés sous du plastique. Ces maisons sont toutes faites des mêmes matériaux, détiennent toutes les mêmes caractéristiques : piscine, barbecue , jardin tout plat. Ces lotissements témoignent d’une grande négligence de la part de leur constructeurs : on reproduit sans regard critique. »  A travers les éléments architecturaux qu’il dessine, Pierre Touron nous parle avant tout de l’Homme. « Ces bâtiments identiques -dans lesquels on mène tous la même vie, on  fait tous les mêmes choses- reflètent l’hyper standardisation de la société et révèlent la difficulté à trouver sa place, à se démarquer, à être différent. C’est un peu inquiétant. »

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Une présence humaine habite souvent les paysages silencieux de l’artiste. De minuscules personnages, « souvent isolés, seuls », déambulent sans trop savoir où aller, perdus dans l’immensité de ces espaces dépeuplés. Ces silhouettes, plongées dans leurs pensées, semblent s’interroger sur le monde qui les entoure. « Pour moi, la solitude n’est pas subie, elle est voulue, désirée, rêvée » avance l’artiste, « plus ça va, plus j’aime la solitude, plus j’ai besoin de dépouillement. Ce n’est pas un constat malheureux. J’ai besoin de m’isoler, besoin de silence. Cette solitude m’inspire. Je passe mes vacances dans le Larzac à marcher sur des cailloux. Quand on vit en ville, on a besoin de ça. ». Des centaines de pierres parsèment les paysages naturels dessinés par l’artiste. Pierre Touron aime les cailloux -avec un nom pareil, c’était inévitable- : « Ces figures fermées sont comme des bulles, comme des matrices, elles sont réconfortantes. »

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La nuit, un chien aux contours flous parcourt également les dessins de Pierre Touron. « C’est un chien errant qui voyage, qui va de l’avant, qui cherche et découvre (ça aurait aussi pu être le voyageur errant des poètes romantiques allemands). C’est un chien qui n’a plus de laisse, qui part de par le monde à la recherche de la solitude, avec une sensibilité à fleur de peau. Ce chien (parfois loup en fonction du décor), est la figure du retour du sauvage. »

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Un homme assis se détache du sol pour s’élever dans les airs, les cailloux qui constituent le paysage s’envolent avec lui. Ici et là, des petites « maisons monopoly » flottent dans le ciel. Des personnages tiennent en équilibre dans le vide comme par magie. Parfois, Pierre Touron abolit la pesanteur dans son univers : « Nous vivons dans une époque pesante, lourde, angoissante où il est difficile de trouver un équilibre, difficile de s’en sortir matériellement. J’ai envie d’allègement, de lévitation.». De temps en temps, un autre monde, semblable au nôtre, se niche sur les nuages. Le ciel et la terre se confondent, l’artiste nous fait perdre nos repères. Nous sommes comme happés par un mirage. « Mon travail confronte souvent l’envers et l’endroit, l’ordre et le désordre/le chaos, le neuf et le vieux. J’aime faire un pas de côté par rapport au réel, le réinventer, brouiller les pistes, sans jamais m’en éloigner cependant. J’aime être dans cet entre deux. Mon univers est onirique, poétique, plongé dans une rêverie éveillée, une sorte de sieste : les choses ne sont pas tout à fait réelles, pas tout à fait à leur place. »

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Retrouvez le travail de Pierre Touron sur touron-peintre.fr

Pierre Touron fait partie du collectif d’artistes Diffractis-expositions nomades (expositions chez des particuliers : dans des appartements, des maisons, des jardins…) qui associe différentes formes d’expression (œuvres d’art, lectures, poésie, musique…). Toute la programmation sur diffractis.fr